• Héla

    Hélas

     

    "Ne bouge surtout pas, tiens le bien, je compte sur toi."

    "Je fais ce que je peux." rétorque Raphaël.

    "Garde tes pieds bien ancrés à la terre, tout part de ton bassin." surenchérit David.

    "ça vibre à fond, mes bras tremblent."

    "Courage mon vieux, je tire autant que je peux."

    La mâchoire serrée, David étire au maximum de ses forces l'élastique imaginaire qui le sépare de Raphaël.

    Ils ont en commun les  yeux injectés de sang, les carotides saillantes et le cœur  à fleur de peau.

    Cet élastique est le symbole de ce qui les rattache à la terre, un gigantesque cordon ombilical prêt à lâcher à tout moment et à vous péter à la gueule.

    L'ambiance est électrique, la sueur dégouline de leurs fronts et des auréoles naissent au creux de leur bras.

    Voici que quelqu'un perturbe cette scène, une femme apparaît, belle, simplement habillée d'une robe blanche.

    Elle les regarde abasourdie, une valise à chaque main.

    Jamais de sa vie elle n'a vu une telle manifestation de force indescriptible d'absurdité.

    Ces deux hommes étranges souffrent corps et eau, mâchoires crispées, muscles bandés : entre ces deux là passe quelque chose d'impalpable.

    Iréna toute hypnotisée  à cette scène est comme suspendue.

    Raphaël, le visage cramoisi tente un sourire crispé vers la jeune femme, il semble lâcher prise..

    "Ne lâche surtout pas, garde le contact." lui lance David soudain inquiet.

    Iréna tourne ses yeux aux paupières vermeilles vers lui.

    David, petit, les épaules larges, le crâne rasé, une barbichette mutine est vêtu d'un T-shirt blanc moucheté de paillettes sanguines.

    Elle dépose ses valises, ouvre l'une d'elle et en sort délicatement une ombrelle couleur coquelicot.

    Le visage empourpré, elle avance lestement vers lui comme aimantée par les paillettes lies de vin qui brillent comme son destin.

    Elle le regarde fixement puis s'attarde vers le fil imaginaire, cet élastique tendu entre les deux hommes.  Elle pose un premier pied, tremble un peu pour ensuite s'élancer sur le câble.

    Raphaël vire au teint écrevisse pour ne pas dire écarlate. Cette femme superbe vient vers lui.  Et tout devient léger, plus aucun effort à faire, ses muscles se détendent, son cœur devient ardent.

    Plus elle s'approche et plus l'espace entre lui et David se réduit et voici bientôt qu'ils sont là tous les trois embrasés d'un feu intérieur à retenir leur souffle.

    Le soleil se couche sur l'horizon empreint de timidité, les valises baillent aux corneilles.

    Iréna referme son ombrelle, baisse ses paupières, ses longs cils caressent ses joues.

    Elle sent sur chacune d'elles des baisers qui se posent et qui s'envolent comme des papillons.

    La tension est relâchée, elle reprend ses valises et s'en repart toujours aussi pucelle le visage couperosé.


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