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porter sa croix
Il est assis, face à cette cloison en bois aggloméré. un brin de musique flotte dans l'air, un jeu est figé sur le fond d'écran, le temps semble s'être arrêté. Depuis quand? Voila la question. Un signal sonore l'avertit dès qu'une âme pénètre dans ce couloir damé couvert d'un tissage lissé par les longues et fines pattes de cette myriade d'araignées.
Le bâtiment est loin d'être abandonné de ce point de vue, la vie est présente, les insectes et les végétaux sont très habiles pour donner du fil à retordre aux rares visiteurs.
Une dame entre dans la cour avec son cabas, je la salue et par discrétion retourne à mes activités. je découvre brosse, balai, tête de loup, raclette, sceau, éponge, produit nettoyant, produit récurant, pelle, peigne à feuilles mortes,...débroussailleuse...le parfait kit du nettoyeur en mal d'herbe.
L'homme est assis, l'homme est debout.
Debout, il parle en bougeant à peine les lèvres et sans desserrer les dents. Cela offre une drôle de sensations. Alors qu'il parle, on dirait qu'il vacille, il cherche une béquille, sa main cherche un appui vers un mur, une descente de gouttière, mais là pas de bol, le mur était en peu trop loin. Soudain, il lâche le morceau en gardant les dents serrées et en s'avançant comme un chien tirant sur sa laisse.
J'avoue être intriguée. Pourquoi est-il là, comment est-il devenu un chien de mauvaise garde et qui l'a destiné à ce lieu si ce n'est lui-même. J'imagine que le monde ne peut aller bien tant que les individus qui le constituent ne sont pas en phase avec ce qu'ils font.
La vie a t'elle perdu ses droits? La vie s'est-elle réfugiée dans un espace secret ?
En est-il réduit à cet espace confiné, entouré de quelques boîtes de conserves. S'est-il mu en ce qu'il regarde?
Le gardien des lieux ne sait rien et pourtant tout est là. Les portes sont closes alors que les clés sont déposées dans une assiette, il suffit d'y plonger la main pour se libérer.
Etre prisonnier de soi, un choix en soi. L'ouvre boîte se paye une tranche de rire au regard de ce qui se trame dans cette vieille bâtisse dont les gouttières fuitent et grâce auxquelles une mousse verte arpente les murs.
Il dépeint la situation de décrépitude, remballe ceux qui s'avisent de pointer du doigt l'état des lieux en leur rejetant la faute.
J'hésite à lui serrer la main qui peu avant trouvait refuge dans son pantalon, bé oui, on s'accroche à ce que l'on peut. A défaut d'être écoutée, j'observe, et le cœur léger, la joie au cœur, j'ai redonné de l'éclat du sol au plafond et rendu aux fenêtres leur tentures provençales. Il est parti dans sa superbe voiture. Je suis restée dans mes toutes vieilles chaussures.
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